lundi 10 mai 2010

...l'enfant et le violon




(lien)


La leçon de violon

"Le joueur de violon,contrairement au joueur de piano, n'est aucunement maître de la vie et de la mort des sons,sauf dans l'intermède des pizzicati.Le son,une fois incité par l'archet,devra aller jusqu'au bout.Il faut le suivre,entrer dans le dialogue,sans cesse varier la pression,l'intensité,marier les vibrations,les faire s'épouser.Écoute intense,attentive,permanente,création de chaque instant,dialogue intense entre le caresseur et le caressé,entre le maître des plaisirs et celui qui fond sous la caresse.Impossible de reproduire un son de violon?Toujours unique.Le son et la musique créé sont comme une vague que le surfeur va chevaucher jusqu'au bout.Ici,les vagues naissent du jeu du virtuose;de même que le virtuose naît de son abandon,de sa maîtrise à ce jeu dont il est à la fois l'instigateur et le jouet,le vent et l'écume.
Ainsi en est-il du corps,ainsi de notre présence sur terre,de l'art d'être incarné,de notre manière de participer à ce jeu des résonances dont vibrent nos cellules - virtuosité et abandon,maîtrise et absolu don de soi,confiance."



Histoire d'enfant

"Je crois que tous les enfants sont joyeux jusqu'à ce que vous leur demandiez pourquoi.Objectivement,en effet,ces enfants-là n'avaient pas de "raison" d'être dans la joie:pieds nus,mal vêtus,mangeant sans doute à la sauvette dans du fer-blanc,souvent la morve au nez et les cils collés.Mais leur "raison"-en était-ce une?-était superbe:ils étaient vivants!
Pour les nantis,à l'autre bout du monde,être vivant,c'est comme être repu,vêtu,cela ne mérite pas qu'on s'y attarde.Mais pour ces enfants ,cela n'allait pas de soi!
Ils n'en revenaient pas d'être vivants,de sauter,de bondir,de s'accroupir,de chanter à tue-tête,de voir au sol en plein midi onduler la chaleur comme un insaisissable serpent aux milles anneaux...d'être là,seulement là,...là,là,témoins de la Vie!"

Christiane Singer



Voilà  donc pourquoi cet enfant,son violoncelle et la musique de Farid Farjad m'émeuvent tant...
.



6 commentaires:

  1. Merci pour ces cadeaux Flo, le lien est magnifique et ces textes de Christiane Singer me touchent beaucoup.
    Entre autre, la référence au surfeur dont j'ai l'habitude d'user.. et d'abuser est ici d'une grande pertinence.

    RépondreSupprimer
  2. Deux très beaux textes. Le premier me parle, piano et violon se sont exprimés sous mon toit. Le second me touche aussi d'une toute autre manière et me ramène à un très beau récit de Soeur Emmanuelle "Le Paradis c'est les autres". Il faut lire souvent des textes de cette qualité pour pouvoir savourer notre condition d'humain nanti... se plaignant souvent, sombrant dans la dépression, et passant à côté du bonheur à force de vouloir toujours plus, toujours trop.
    Belle fin d'après-midi.

    RépondreSupprimer
  3. j'ai appris le violon,la description qu'en fait Christiane Singer tout le long d'un chapitre de plusieurs page pour le comparer au corps est une merveille de précision...et sa métaphore est d'une clarté impressionnante de pertinence...
    ces extraits sont tirés de son livre "Où cours-tu? ne vois tu pas que le ciel est en toi?"
    cette photo d'enfant accompagne mon quotidien depuis plus de Vingt ans.Elle était cachée dans le recoin du mur d'un marchand de photo et j'en suis tombée amoureuse au premier regard...il y a des choses qui ne s'expliquent pas...je n'en connais même pas l'auteur...
    quant à Farid Farjad, il fait aussi parti de ces rencontres qui vous touchent au plus profond de vous même sans éprouver le besoin d'en rajouter...une évidence!
    J'ai réussi ,en toute simplicité à inviter les trois...ils se sont mis naturellement à dialoguer et j'ai l'impression que chacun apporte une réponse à la question de l'autre...
    .

    RépondreSupprimer
  4. Oui, je crois qu'il faut avoir le ciel en soi, pour écrire de telles lignes et ton inspiration pour les assembler à une photo aussi forte , aussi symbolique.
    Je suis sur que la mer, du côté de Nonza, connait le chant de ton violon.

    Bien à toi,

    Roger

    RépondreSupprimer
  5. J'ai tendance à croire que le monde ira mieux le jour, où, comme le violon et comme l'enfant, nous arrêterons de "raisonner" pour commencer à "résonner"...

    Merci, Flo, pour ces magnifiques textes et pour cette photo si évocatrice...

    RépondreSupprimer